Agatif | Relazione francese del dott. Dubois – Verdier – Catanzaro 26/05/2017
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Relazione francese del dott. Dubois – Verdier – Catanzaro 26/05/2017

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Relazione francese del dott. Dubois – Verdier – Catanzaro 26/05/2017

Traduzione italiana

LE PRINCIPE DU POLLUEUR PAYEUR EN FRANCE

PRELIMINAIRES :

Care colleghe e cari colleghi,

Liebe Kolleginnen und Kollegen

Chères collègues,

1. A l’origine : un principe économique

Le principe du pollueur-payeur est apparu dans l’histoire au XIXème siècle comme un principe économique, qui consiste à faire prendre en compte par chaque acteur économique les externalités négatives de son activité. Son principe a été développé par l’économiste libéral Arthur Cecil Pigou au début des années 1920.

Ce n’est qu’un principe économique, qui signifie simplement que l’entrepreneur/pollueur doit prendre en compte, dans son calcul économique, le coût de la pollution, qui reste supporté par la collectivité. Les économistes parlent d’internalisation.

2. La consécration du principe au niveau international au XXème siècle

Le principe du pollueur-payeur va devenir au fil du temps un des principes essentiels qui fondent les politiques environnementales dans les pays développés.

– Une étape essentielle est, en juin 1992, à Rio de Janeiro (Brésil), la Conférence des Nations Unies connue sous le nom de Sommet “planète Terre”, qui a adopté une déclaration dans le domaine de l’environnement. L‘accent est mis sur deux principes  fondamentaux : le principe de précaution et le principe pollueur-payeur.

3. La consécration du principe sur le plan européen

 C’est le Traité de l’Union européenne ou Traité de Maastricht (signé le 7 février 1992 & entré en vigueur le 1er novembre 1993), qui intègre dans l’article 130R, devenu l’article 174, (aujourd’hui l’article 191 du Traité de l’Union Européenne) les principes suivants dans le domaine de l’environnement : la politique européenne en matière d’environnement “est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.”

Avec sa consécration sur le plan européen que le principe du pollueur payeur va devenir véritablement un principe juridique, qui impose au pollueur l’obligation de payer un prix pour la pollution qu’il engendre.

– Il appartient naturellement à la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne de préciser et d’interpréter ces directives.Parallèlement ou par la suite, d’autres directives à portée environnementale ont réaffirmé le principe du pollueur payeur. Par exemple la directive 2006/12/ce du parlement européen et du conseil du 5 avril 2006, relative aux déchets : J’y reviendrai

4. L’application du principe en France : un principe à valeur constitutionnelle

C’est dans le cadre ainsi fixé par le Traité de l’Union européenne, ainsi que par les directives du Parlement et du Conseil européens, que le principe du pollueur payeur va être introduit dans le droit français. Rappelons que, selon les règles du droit européen, ces textes sont d’application directe et que, par exemple, les requérants peuvent les invoquer devant les juridictions françaises, sans qu’il soit nécessaire qu’un texte de droit interne vienne les transposer : C’est ce que l’on appelle l’effet direct du droit européen en droit interne.

Les directives européennes étant des textes généraux, qui définissent des objectifs en laissant aux Etats membres le soin de les réaliser, ce sont des textes de droit interne qui vont être pris pour mettre en application le principe du pollueur payeur : c’est le mécanisme de la transposition. Cela signifie, par exemple, que pour transposer une directive en droit français vont être adoptés une loi, des décrets, des arrêtés, etc.

Ce qui vient faire la particularité de l’introduction du principe du pollueur payeur en France, c’est qu’il est aujourd’hui inscrit dans la Constitution. En effet en 2004, a été adopté un texte de rang constitutionnel, la Charte de l’environnement, avec un article 4 : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions définies par la loi. ».

Ce texte avait fait l’objet d’un engagement électoral pendant la campagne présidentielle de 2002 par le président sortant Jacques Chirac. Après sa réélection, le président Chirac a fait adopter ce que l’on appelle la Charte de l’environnement, en mars 2005, par le Parlement réuni en Congrès à Versailles, dans le cadre d’une révision de la Constitution française de 1958.

La charte reprend un certain nombre de droits ou de principes dits de la « 3e génération » (les Droits de l’homme de 1789 étant la première génération et les droits sociaux du XXe siècle, la deuxième)[3].

Quelle est la portée de cette élévation du principe « pollueur payeur » au rang constitutionnel ?

Au début, pour beaucoup de commentateurs, dans le cadre du système juridique d’alors (je parle des années 2004 et suivantes), où le contrôle de constitutionnalité en France avait une portée relativement limitée, la charte a été considérée comme un texte se bornant à proclamer un “principe général», sans que ce principe, en lui-même, ait une portée pratique réelle.

Mais dans une décision n° 2008-564, du 19 juin 2008, le Conseil constitutionnel a mis fin à certains commentaires selon lesquels la Charte n’est pas du droit mais du bavardage, en affirmant la « valeur constitutionnelle de la Charte. » En conséquence et par la suite, le Conseil d’Etat, dans une décision du 3 octobre 2008, « Commune d’Annecy », a pleinement reconnu à son tour cette valeur constitutionnelle de la charte.

Cette élévation de la Charte au niveau constitutionnel n’est toutefois pas sans poser quelque problème. En effet, beaucoup d’articles de la Charte renvoient au législateur le soin de définir les conditions et limites de mise en œuvre des principes qu’elle proclame.

Ainsi le juge administratif subordonne-t-il la possibilité pour les requérants d’invoquer certains articles 1er, 2, 6 et 7 de la Charte à l’adoption d’une loi pour en assurer la mise en œuvre. Ce faisant, le juge administratif applique dans certaines espèces la théorie dite de  la « loi écran », ce qui signifie qu’un écran législatif s’intercale entre les actes administratifs contestés et la Constitution : la légalité des actes administratifs sera examinée par rapport aux dispositions législatives de concrétisation.

En ce qui concerne plus particulièrement le principe du pollueur payeur, contenu dans l’article 4 de la Charte, comment se prononcerait sur ce point le Conseil constitutionnel, organe qui est chargé en France de contrôler la conformité des lois à la constitution ? Rappelons que le contrôle de constitutionnalité a connu en France, depuis la révision constitutionnelle de 2008 et l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, une extension notoire, puisque la réforme a donné, en droit français, la possibilité à un requérant de soulever, par le biais de la question prioritaire de constitutionnalité, l’inconstitutionnalité d’une disposition d’une loi déjà adoptée par le Parlement, ce qui auparavant n’était pas possible.

Pour l’instant, il n’y a pas de jurisprudence où le Conseil constitutionnel se soit directement prononcé sur l’article 4 de la Charte, relatif au principe du pollueur payeur.

Le principe du pollueur payeur sera-t-il considéré comme directement applicable par le Conseil constitutionnel ? Il faut remarquer que contrairement à d’autres principes généraux du droit de l’environnement, comme le principe de précaution, le principe de solidarité écologique, etc, ce principe paraît  nettement plus précis et peut s’analyser comme une véritable règle de droit. Cependant, il faut également remarquer que la Charte de l’environnement renvoie expressément l’application du principe pollueur-payeur à l’adoption d’une loi.

Ce qui pourrait théoriquement se produire, c’est un problème de conflit entre le traité de l’Union européenne, les textes de droit européen dérivé (comme la directive) d’une part et la constitution française d’autre part.

S’il a toujours admis la supériorité du droit européen sur les lois et les règlements, le Conseil constitutionnel s’est toujours refusé à admettre la supériorité du droit européen sur la constitution française.

Pour sa part, la jurisprudence du Conseil d’Etat français admet, dans ce qu’on appelle le contrôle de conventionalité, la supériorité du droit européen (Traité, droit européen dérivé) sur les lois internes votées par le parlement français. Cela signifie qu’il se reconnaît le pouvoir d’écarter l’application d’une loi contraire aux traités de l’Union. En revanche, le même Conseil d’Etat s’interdit d’examiner la conformité d’un engagement international à la constitution française (théorie de l’écran conventionnel) cf jurisprudence Fédération nationale de la libre pensée. Mais la jurisprudence du Conseil d’Etat a introduit une dérogation à ce principe dans la jurisprudence Arcelor, inspirée par la jurisprudence du conseil constitutionnel, elle-même inspirée de la JP du Bundesfassungsgericht allemand.

En ce qui concerne le Conseil d’Etat français, celui-ci contrôle traditionnellement la constitutionnalité des actes administratifs. Dans le cas où un acte administratif est fondé directement sur une directive européenne, par exemple, il peut arriver que des requérants soutiennent devant le juge administratif que cet acte administratif, et ipso facto, la directive européenne, sont contraires à la constitution française. Pour résoudre le problème, le Conseil d’Etat applique une théorie dite de la translation : le Conseil d’Etat se demande s’il existe ou non dans le droit de l’Union Européenne un équivalent à la disposition constitutionnelle invoquée (cf arrêt de la cour de Karlsruhe Solange II). Si la règle constitutionnelle a un équivalent dans le droit communautaire, (comme le principe d’égalité par exemple), le juge administratif vérifie, le cas échéant en posant une question préjudicielle à la Cour de justice de Luxembourg, que l’acte administratif et la directive qu’il transpose respectent les règles constitutionnelles et européennes. Si la directive, dont le décret attaqué assure la transposition, ne méconnait pas le principe communautaire d’égalité, le Conseil d’Etat écarte alors le moyen selon lequel ce décret serait contraire au principe constitutionnel d’égalité. En l’absence d’équivalent, le juge administratif français contrôlera normalement la constitutionnalité de l’acte attaqué. Cette réserve de constitutionnalité[1] conforte la position traditionnelle du Conseil d’État sur la primauté de la Constitution.

En ce qui concerne le principe du pollueur payeur, le principe constitutionnel posé dans l’article 4 de la charte française de l’environnement[2] devrait logiquement trouver son équivalent dans l’article 191 du Traité de l’Union Européenne, lequel, comme on l’a dit, prévoit la politique européenne en matière d’environnement “est fondée … sur le principe du pollueur-payeur” et permettre une opération de translation. On ne peut que poser la question en l’état actuel de la jurisprudence.

  1. Le principe du « pollueur payeur » dans le code de l’environnement

– Aujourd’hui, en France, le principe figure, en tant que principe général à l’article L 110-1 du code de l’environnement, qui a repris les dispositions d’une loi dite « loi Barnier » qui, historiquement et bien avant le code et la Charte de l’environnement, a été la première à introduire, dès 1975, le principe du pollueur payeur dans le droit français.

Il faut insister sur le processus de codification, qui fait donc que beaucoup de lois sont regroupées aujourd’hui en droit français dans des codes : code du travail, code général des impôts, code général des collectivités territoriales, code de l’urbanisme, etc, dont le nombre ne cesse de s’amplifier. La base de données LEGI comprend 73 codes officiels en vigueur consolidés (et 29 autres abrogés) ! Ce processus de codification a pour avantage de fixer et d’organiser en un texte unique différents textes épars, mais il a aussi comme inconvénient d’accroitre la complexité : les codes ont en effet tendance à s’alourdir de plus en plus au fil des années, de sorte que l’on parle aujourd’hui de la nécessité de les alléger dans l’espoir de les restreindre à quelques principes et règles fondamentales. La réforme du code du travail, si débattue aujourd’hui, pourrait s’attaquer à ce problème de la complexité.

Pour notre matière, la proclamation du principe du pollueur payeur se situe dans le premier article du code de l’environnement, tout en tête, au 3° de l’article L 110-1, , juste après le principe de précaution et le principe d’action préventive et de correction.

L’esprit du principe va en quelque sorte irradier tout le code et servir de base à plusieurs procédures prévues par celui-ci en matière d’environnement :

Quelles sont ces procédures ?

Pas question de toutes les citer.

Je me limiterai à mentionner :

La prévention et réparation de certains dommages causés à l’environnement : article L.160-1 du code de l’environnement, créé par une loi du 1er août 2008, dite de responsabilité environnementale[3]. Ce texte est la transposition de la directive du Parlement et du Conseil européens du 21 avril 2004. A noter, les textes qui organisent cette procédure citent expressément le principe du pollueur payeur.

Cette procédure, qui institue une véritable police spéciale de l’environnement, a pour objet de prévenir les atteintes aux eaux, aux sols ainsi qu’aux espèces et espaces protégés. La notion d’environnement est ainsi conçue de manière restrictive, en excluant notamment les atteintes à l’atmosphère.

Pour cette catégorie de dommages à l’environnement, la mise en œuvre du principe pollueur payeur se traduit essentiellement sous deux aspects :

  1. Le code donne à l’autorité environnementale (c’est en général le ministre ou le préfet) des pouvoirs de police administrative très étendus. C’est donc sous l’angle de la notion de droit administratif français de police administrative que sont mis en œuvre les dispositions en cause. Si le responsable n’obtempère pas, l’autorité environnementale peut, en cas d’urgence ou de danger grave, prendre elle-même, aux frais de l’exploitant défaillant, les mesures de prévention ou de réparation nécessaires (Article L162-16), conformément au principe du pollueur payeur.
  2. Le coût des mesures de prévention et de réparation est très précisément défini (cf articles L 162-17 du code de l’environnement).

C’est l’exploitant (à ce stade, c’est le terme même de la directive qui est repris) qui supporte les frais très précisément énumérés (soit les frais liés à l’évaluation des dommages, la  détermination, la mise en œuvre et le suivi des mesures de prévention et de réparation ; le cas échéant, aux procédures de consultation ; le cas échéant, aux indemnités versées aux propriétaires privés avoisinants. Il est prévu la répartition des coûts en cas de pluralité des exploitants ayant causé le dommage).

Enfin, sont prévues des procédures de recouvrement à l’encontre des exploitants. L’exploitant lui-même peut recouvrer par toutes voies de droit appropriées, auprès des personnes responsables, le coût des mesures de prévention ou de réparation qu’il a lui-même engagées, lorsqu’il peut prouver que le dommage ou sa menace imminente est le fait d’un tiers.

Cette police spéciale de l’environnement n’est pas la seule qui figure dans le code français de l’environnement.

Tout au long du code, on va trouver d’autres procédures mettant en œuvre le principe du pollueur payeur.

On peut citer :

– La police des installations classées figurant aux articles L 511-1 et suivant du code de l’environnement : procédure que le juge administratif français connaît bien, car elle est traditionnellement source de contentieux.

Le principe du pollueur payeur trouve à s’appliquer au niveau des sanctions que peut prendre le pouvoir de police spéciale exercé par le préfet à l’encontre de l’installation polluante.

– La police des déchets :

Cette procédure est la réception en droit interne français de la directive 2006/12/ce du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006, relative aux déchets, qui met la responsabilité de la gestion des déchets à la charge de ceux qui les produisent (soit les producteurs) ou de ceux qui les détiennent (soit les détenteurs) :

Le principe (du pollueur payeur) est mis en œuvre selon une procédure très détaillée par l’article L.541-3 du code de l’environnement :

L’administration dispose de pouvoirs de police très étendus pour contraindre le producteur ou le détenteur de déchets abandonnés ou mal gérés, après procédure contradictoire, à effectuer les opérations nécessaires au respect de la réglementation. A cet effet, l’administration dispose de pouvoirs de contrainte efficaces : elle peut l’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public les sommes nécessaires qui lui sont restituées au fur et à mesure de l’exécution des mesures ordonnées. Et l’administration peut faire procéder d’office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l’exécution des mesures prescrites. En outre, sur le plan des sanctions financières, l’administration peut ordonner le versement d’une astreinte journalière ainsi qu’une amende allant jusqu’à 150 000 €.

L’exécution des travaux peut être confiée par le ministre chargé de l’environnement à un Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie.

Le statut de l’énergie nucléaire dans le code de l’environnement mériterait de longs développements. La gestion des déchets, qu’ils soient radioactifs ou non, est encadrée par les articles L. 541-1 et suivants du code de l’environnement, dans le cadre de la directive 2011/70/Euratom du 19 juillet 2011.

Dans tous ces textes figurant dans le code de l’environnement, il y a des variations en ce qui concerne les termes employés pour désigner la personne à qui va incomber le paiement des divers frais, en vertu du principe du pollueur payeur. C’est ce qui va  être source de débats devant les juridictions administratives françaises. Nous y reviendrons plus loin en analysant la jurisprudence du Conseil d’Etat.

  1. L’application du principe « pollueur payeur » en France sur le plan fiscal : la fiscalité écologique

Il peut paraître peut-être paradoxal d’aborder, dans le cadre d’un thème discuté par des juges administratifs allemands, italiens et français, de la fiscalité, alors que nos collègues italiens et allemands ne traitent pas, contrairement aux juges administratifs français, du contentieux des impôts. Mais dans le cadre d’une étude sur le principe du « pollueur payeur », il est impossible de ne pas au moins évoquer la mise en œuvre de ce principe sous l’aspect fiscal. C’est ce qu’on appelle la fiscalité écologique.

Il n’est pas question de faire ici la liste de toutes les taxes, crédits d’impôt, réductions de taxe, bonus, etc. visant à inciter les comportements favorables à l’environnement institués en France pour mettre en place le principe du pollueur payeur.

Je me limiterai à citer deux taxes écologiques ou tentatives de taxes écologiques :

La taxe d’enlèvement des ordures ménagères, qui devrait résonner familièrement aux oreilles de nos collègues italiens, habitués à jongler avec la TARI, (tassa sui rifiuti), la TIA (Tariffa di igiene ambientale) et la TARSU (Tassa per lo smaltimento dei rifiuti solidi urbani) et le TARES (Tributo comunale sui rifiuti e sui servizi). Cette taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) devrait intégrer dorénavant une part variable incitative pour prendre en compte la nature, le poids, le volume et le nombre d’enlèvements des déchets, en application du principe pollueur payeur.

La taxe poids lourds : Cette taxe, lorsqu’elle a été instituée, a rencontré dans une région française, à savoir la Bretagne, l’opposition farouche d’un mouvement dit des Bonnets rouges. Cette taxe, appelée couramment « écotaxe », elle a été critiquée à la fin 2013 dès avant sa mise en œuvre ; elle devait s’applique aux véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes circulant en France sur certaines routes nationales et départementales. Elle visait à faire payer l’usage de ces routes par leurs utilisateurs en leur faisant supporter les coûts réels du transport routier de marchandises  alors que ce coût est aujourd’hui intégralement supporté par l’impôt commun. À l’automne 2013, des manifestations et sabotages ont été organisés en Bretagne, à la suite de quoi le gouvernement a décidé de geler sa mise en place pour finalement être suspendue par la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, le 9 octobre 2014. [ Cet échec survient en France alors que des pays proches (Allemagne, Autriche, Pologne puis Belgique) ont su mettre en place un dispositif équivalent.

– En dépit du principe pollueur-payeur admis en France, les taxes sur les pollutions émises sont de peu d’importance, tandis qu’à titre de comparaison, elles comptent pour près de 20 % des revenus fiscaux aux Pays-Bas[6]. Cette fiscalité écologique ne représente également que 4,2 % des prélèvements obligatoires en France, contre 6,2 % en moyenne européenne (selon Eurostat[4] et le système statistique unifié européen[2]).

– Aux taxes, produits à caractère fiscal, il faut ajouter les redevances. On peut citer par exemple :

La redevance pour la pollution domestique de l’eau payée par tous les usagers, les redevances permettent aux agences de l’eau de soutenir les actions pour lutter contre la pollution des eaux, protéger la santé, préserver la biodiversité et garantir la disponibilité de la ressource. Payée par les habitants des communes et par certaines activités de service ou de commerce relèvent aussi de cette redevance. La redevance est proportionnelle à la consommation d’eau. Elle est calculée sur le volume d’eau consommé par chaque habitant. La redevance pour pollution d’origine domestique est intégrée à la facture d’eau des abonnés. Le service d’eau potable perçoit cette redevance pour le compte des agences de l’eau.

  1. La jurisprudence

Je vais me concentrer essentiellement sur la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui a eu à plusieurs reprises à trancher la question de savoir, dans diverses espèces, à quelles personnes exactement s’appliquent les obligations entraînées par le principe pollueur payeur et notamment dans quelle mesure elles peuvent s’appliquer au propriétaire du produit polluant ou du terrain les supportant.

9 mars 2009 commune de Batz sur Mer : décision rendue à propos des hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite du naufrage de l’Erika.

Le principe du préjudice écologique a été en France affirmé lors du procès de l’Erika (pétrolier affrété par le groupe Total et responsable en 1999 d’une marée noire qui a souillé 400 km de côtes). Le caractère de préjudice écologique a été confirmé en 2012 par la Cour de Cassation[6] (via sa chambre criminelle). Dans ce cadre, la Cour de cassation a également considéré que l’intervention des juridictions françaises était légitime dès lors que le territoire français subissait un préjudice environnemental.

Le Conseil d’Etat s’est lui aussi prononcé sur cette affaire.

Pour l’application de dispositions législatives du code de l’environnement, transposant la directive 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975, relative aux déchets, le Conseil d’Etat se fonde sur l’’interprétation de cette directive par la Cour de justice des communautés européennes pour juger que des hydrocarbures accidentellement déversés en mer à la suite d’un naufrage, mélangés à l’eau et aux sédiments et dérivant jusqu’au littoral, constituent des déchets dont le détenteur est le propriétaire du navire lequel était, en fait, en possession des hydrocarbures immédiatement avant qu’ils ne deviennent des déchets et qui peut donc, pour cette raison, être considéré comme les ayant produits.

Le Conseil a ajouté que le vendeur des hydrocarbures et affréteur du navire les transportant peut être regardé comme producteur des déchets, au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 75/442 et, ce faisant, comme un “détenteur antérieur” tenu de supporter le coût de l’élimination des déchets s’il a contribué au risque de survenance de la pollution.

Le Conseil d’Etat a enfin estimé que, en vertu du principe du pollueur-payeur, le producteur des hydrocarbures (produit générateur de déchets), s’il a contribué à ce même risque, doit être tenu de supporter la partie des frais qui n’aurait pas été prise en charge soit par le propriétaire du navire et/ou par l’affréteur, soit par le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, mais qu’il ne saurait se voir imposer la réalisation matérielle des opérations de valorisation ou d’élimination ;

26 juillet 2011 Commune de Palais sur Vienne Le Conseil rappelle le principe du pollueur payeur prévu à l’article 15 de la directive 2006/12/CE du 5 avril 2006 relative aux déchets. Il juge que le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés des déchets peut, en l’absence de détenteur connu de ces déchets, être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain.

1er mars 2013 Hussong d’une part et Sociétés Natiocrédimur et Finamur d’autre part : Dans ces deux espèces, le Conseil d’Etat se prononce sur le responsable des déchets au sens de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, tel qu’interprété à la lumière des dispositions de la directive 2006/12/CE du 5 avril 2006. Le responsable des déchets s’entend des seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets. En l’absence de tout producteur ou tout autre détenteur connu de déchets, c’est le propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés ces déchets peut être considéré comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain, et être de ce fait assujetti à l’obligation d’éliminer ces déchets. Mais la responsabilité du propriétaire du terrain au titre de la police des déchets ne revêt cependant qu’un caractère subsidiaire par rapport à celle encourue par le producteur ou les autres détenteurs de ces déchets et peut être recherchée s’il apparaît que tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu.

CONCLUSION

Le principe du pollueur payeur est un vieux principe, puisqu’en tant que principe économique, il remonte au XIXème siècle. En tant que principe juridique, il a fait son apparition dans la deuxième moitié du XXème siècle. On remarquera d’une part qu’il est relativement précis dans son contenu par rapport à d’autres principes en droit de l’environnement et d’autre part qu’il est consacré au plan européen. Donc ce principe n’est certainement pas un principe du passé, mais il apparaît au contraire comme pleinement actuel et même (malheureusement) un principe d’avenir.

Das Verursacherprinzip ist ein altes Prinzip, denn als wirtschaftliches Prinzip, es zurück zum neunzehnten Jahrhundert geht. Als Rechtsgrundsatz hat es in der zweiten Hälfte des zwanzigsten Jahrhunderts erscheint. Beachten Sie, es relativ genau in Inhalt ist im Vergleich zu anderen Prinzipien im Umweltrecht und auch auf europäischer Ebene verankert. So ist dieses Prinzip sicherlich kein Prinzip der Vergangenheit, aber es scheint eher als vollständig vorhanden und auch (leider) ein Prinzip für die Zukunft.

Il principio chi inquina paga è un vecchio principio, siccome come principio economico, risale al XIX secolo. Come principio giuridico, è apparso nella seconda metà del ventesimo secolo. Si puo notare che da una parte, è relativamente accurato nei contenuti rispetto ad altri principi di diritto ambientale e d’altra parte, è sancito anche a livello europeo. In tal modo questo principio non è certamente un principio del passato, ma appare piuttosto come pienamente un principio del presente ed anche, purtroppo, se questo pianeta viene pervaso da un processo di degrado e inquinamento sempre maggiore, come un principio per il futuro.

                                                                                   Jean-Michel DUBOIS-VERDIER

Présidente honoraire du tribunal administratif de Toulon (France)

Texte de l’intervention orale prononcé lors du colloque organisé par l’AJAFIA à Catanzaro (Italie), le 29 mai 2017.

[1] Pour reprendre une expression de Jean Sirinelli.

[2] « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement dans les conditions définies par la loi. ».

 [3] Plus globalement, la loi de 2008 a défini ce que l’on appelle le préjudice écologique.