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Relazione francese della Pres. Jean-Marie Woehrling – Lione – 12/5/2012

Relazione francese della Pres. Jean-Marie Woehrling – Lione – 12/5/2012

Les principes de sécurité juridique et de confiance légitime
dans la jurisprudence administrative française

Allocution de M. Jean-Marie WOEHRLING
Président de tribunal administratif

Je vais vous présenter une vision très personnelle du développement du principe de confiance légitime et de sécurité juridique en droit administratif français.
Ce sera le point de vue d’un acteur du contentieux administratif puisque le premier jugement de tribunal administratif qui a sanctionné l’Administration sur la base du principe de confiance légitime a été pris dans une chambre que je présidais au tribunal administratif de Strasbourg fin 1994. (TA de Strasbourg, 8 décembre 1994).

Une entreprise assurait l’importation de déchets ménagers d’Allemagne en France. Elle le faisait conformément à la réglementation. Suite à la découverte d’un scandale concernant des déchets hospitaliers d’origine étrangère et non éliminés régulièrement, auquel l’entreprise en question était à tout à fait étrangère, la réglementation a été changée pour ainsi dire du jour au lendemain. L’entreprise en question qui s’était engagée par voie de contrat à des opérations d’importation de déchets se trouvait dans l’impossibilité d’exécuter les contrats qu’elle avait conclus et a subi un préjudice très important de ce fait. Elle a demandé des dommages et intérêts à l’Etat français pour le préjudice causé par le changement brutal de réglementation.

Les membres de la juridiction n’ont pas trouvé dans le droit français traditionnel, les notions adéquates pour analyser ce litige : la mesure contestée n’était pas illégale ; elle était justifiée par la volonté de mieux lutter contre le tourisme des déchets. Elle ne s’appliquait que pour l’avenir et n’était donc pas rétroactive. L’entreprise n’avait aucun droit au maintien de la législation antérieure. Mais de l’autre côté, l’entreprise avait conclu sans faute et sans abus de droit des contrats sur la base d’une réglementation non spécialement suspecte ni fragile. Elle avait utilisé en toute bonne foi le droit existant et se voyait brutalement empêchée d’exécuter les engagements contractuels qu’elle avait souscrits de bonne foi dans le cadre de cette législation.

Il existe bien une théorie du droit administratif français qui permettait d’obtenir une indemnisation pour le préjudice causé par une réglementation légale qui a provoqué un préjudice anormal et spécial, mais les conditions de cette jurisprudence étaient trop strictes pour pouvoir être appliquée dans ce cas.

C’est dans ces conditions que les membres du tribunal administratif, lequel avait dans sa bibliothèque l’ouvrage de Jürgen Schwarze sur les principes du droit administratif européen, ont trouvé dans cet ouvrage la référence à un principe juridique courant en Allemagne et aux Pays-Bas et repris par la Cour de Justice de la Communauté européenne, le principe de confiance légitime selon lequel les acteurs économiques doivent pouvoir en principe faire confiance dans une stabilité minimale des réglementations ou des actes juridiques.

Le tribunal a formulé cette règle de la manière suivante : « Si les autorités administratives peuvent modifier la réglementation qu’elles ont édictée, elles doivent prendre les dispositions appropriées pour que les personnes concernées disposent d’une information préalable ou que des mesures transitoires appropriées soient aménagées dès lors que la mesure envisagée ne doit pas par nature ou en raison de l’urgence de prendre effet de manière immédiate ; à défaut de respecter ce principe de la confiance légitime dans la clarté et la prévisibilité des règles juridiques et de l’action administrative, l’administration engage sa responsabilité à raison du préjudice anormal résultant d’une modification inutilement soudaine de ses règles ou comportements ».

Dans le cas particulier, le tribunal a considéré qu’un délai de 6 mois aurait dû être aménagé avant l’application de la réglementation nouvelle prohibant l’importation de déchets.

C’est ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui a engagé la discussion sur le principe de confiance légitime ou de sécurité juridique en France. Le tribunal administratif de Strasbourg n’a pas appliqué en l’espèce un principe de droit communautaire, mais il s’est inspiré de la jurisprudence d’autres Etats européens et de la jurisprudence communautaire pour fonder un nouveau principe général du droit français.

Pour mieux comprendre ce principe, il est nécessaire de rappeler ses caractéristiques dans la jurisprudence européenne. Le principe de confiance légitime, étroitement lié à celui de sécurité juridique est apparu très tôt dans la jurisprudence de CJCE, c’est-à-dire dans les années 1960. Pour le professeur Jürgen Schwarze, la sécurité juridique correspond à une approche de droit objectif et définit une exigence formulée à l’égard de l’ordre juridique. Elle peut aussi bien être opposée aux prétentions d’un citoyen que soutenir celles-ci. Le principe de confiance légitime correspond à un droit subjectif. Il est invocable par un citoyen contre une mesure qui lui est préjudiciable. Le bien-fondé de la confiance légitime s’apprécie donc au regard d’une situation concrète déterminée.

Le principe de sécurité juridique a permis à la jurisprudence communautaire de fonder des règles relatives à la stabilité des actes créateurs de droit, s’opposant à la rétroactivité des normes favorables à la prévisibilité des normes. Quant au principe de confiance légitime, il concerne plus précisément les questions de retrait des actes créateurs de droit et les situations parfois qualifiées de « fausse rétroactivité », c’est-à-dire de remise en cause pour l’avenir de situations juridiques constituées dans le passé.

L’idée générale est que les acteurs économiques doivent pouvoir gérer leurs affaires en pouvant se fier à une stabilité raisonnable des situations juridiques. La confiance légitime correspond donc à des situations où l’administration a fait naître de le chef d’un particulier certaines espérances fondées (d’où le terme anglais de legitimate expectation). Les cas d’applications possibles sont assez nombreux : questions relatives aux promesses de l’administration ou de respect par l’administration de ses propres décisions ou engagements, renseignements ou directives, questions concernant la notion de droits acquis, d’application de règles de délais, de respect de procédures annoncées, d’effet dans les temps de actes et des jugements, de conditions de modification de l’état de droit ou de fait, de dispositions transitoires, de remise en cause d’avantages octroyés, etc.

La prise en considération d’une confiance légitime suppose toujours une balance concrète entre l’intérêt légitime de la personne qui l’invoque et l’intérêt public. La jurisprudence communautaire est d’ailleurs assez exigeante dans cette balance. Elle considère par exemple que les acteurs économiques ont une obligation de se renseigner sur les aléas possibles d’une situation juridique. Le bénéficiaire d’une subvention publique ne peut, par exemple, invoquer la confiance légitime dans la conservation de cette subvention s’il n’a pas cherché à vérifier qu’elle a été attribuée légalement.

Les questions liées à la sécurité juridique et à la reconnaissance de la confiance légitime n’étaient pas ignorées en France. Le droit administratif français avait trouvé des réponses relativement satisfaisantes à un certain nombre de questions liées à cette problématique : le principe de non rétroactivité des actes administratifs, les règles de retrait et d’abrogation de ces actes dans le contentieux de la légalité, la responsabilité de l’administration pour non respect de ses promesses ou pour un comportement préjudiciable dans le contentieux de la responsabilité.

Mais dans les années 1990, il devenait de plus en plus visible que ces règles du droit administratif français « classique » étaient insuffisantes sur un certain nombre de points. Ceci a été révélé par le jugement du tribunal administratif de Strasbourg de 1994.

Dès 1995, un professeur de droit, le professeur Pacteau posa la question « la sécurité juridique, un principe qui nous manque ? », pour répondre plutôt négativement : « la sécurité juridique n’est rien d’autre que le nom donné par le juge à l’expression de son équité et de sa discrétionnalité » (citation de Boulois) « Notre système juridique n’ignore rien de ce qui constitue la sécurité ». Selon une partie de la doctrine, « le droit administratif français n’a rien à apprendre de ces théories européennes ». Plus tard, on expliquera que la notion de confiance légitime est typique du droit allemand, un droit fortement subjectif, et incompatible avec l’esprit du droit français lequel constitue un droit traditionnellement objectif !!

Le professeur Froment, qui s’est rendu célèbre comme le meilleur connaisseur du droit public allemand en France, plaidait quant à lui pour l’émergence d’un futur droit administratif combinant les traditions françaises et allemandes. « Nous pensons que le futur droit administratif commun sera fondé sur une conception systématique du droit acceptant l’idée que de nombreuses règles juridiques sont sources de droit subjectifs car c’est le seul moyen de replacer l’individu au centre du droit public. Appliqué au principe de sécurité juridique, cela signifie que ce principe sera source de droits subjectifs tels que le droit au respect de la confiance légitime ».

On le voit, cette question est devenue en France l’objet d’une véritable confrontation culturelle des traditions juridiques nationales, allemande et française, presque une guerre de religion.

Mais il n’y a pas eu de guerre de religion car le jugement du tribunal administratif de Strasbourg a été déclaré anathème et hérétique. Le Conseil d’Etat a condamné avec force la position retenue par cet arrêt. Depuis, la messe est dite : il n’y a pas de principe de confiance juridique en droit français. Des arrêts récents viennent régulièrement le confirmer. C’est du moins la position théorique. Car en pratique, il en est différemment.

→ En premier lieu, le Conseil d’Etat a dû prendre acte que le principe de confiance légitime existe en droit communautaire. Par conséquent, chaque fois que l’application du droit communautaire est en cause, même de façon indirecte, le juge administratif français met en œuvre le principe de confiance légitime tel que celui-ci a été consacré par la jurisprudence communautaire.

Ceci dit, cette application du principe de confiance légitime « communautaire » est restée théorique et platonique : jamais aucune décision d’annulation ou de condamnation n’a été prise sur ce fondement.

S’agissant par exemple de la réduction des paiements accordés au titre des régimes de soutien direct dans le cadre de la politique agricole commune, le Conseil d’Etat a considéré que le Gouvernement avait annoncé dès le mois de mai 1999 son intention de mettre en place une modulation des aides permise par la réglementation communautaire et que, dans ces conditions, les producteurs prudents et avisés étaient en mesure de prévoir les règles nouvelles mises en place en mai 2000
(CE 11 juillet 2001 Fédération Nationale des Syndicats d’exploitants agricoles n° 21494). Il n’y a donc pas eu atteinte au principe de la confiance légitime.

→ En 2ème lien, le Conseil d’Etat applique le principe de la confiance légitime tel que celui-ci a été consacré par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Celle-ci considère que « l’espérance légitime » d’obtenir un avantage matériel constitue un bien au sens des stipulations de l’article 1 du premier protocole additionnel (CEDH Pine Valley Developpements c/ Irlande, réq. 12742/87).

Le Conseil d’Etat accepte par exemple de vérifier si dans une situation donnée il y avait une « espérance légitime » d’une personne d’obtenir la restitution d’une somme d’argent de la part de l’administration (CE 4 octobre 2010 Fondation de France n° 318014 ; AJDA 2010 p 1828).

→ Enfin et surtout, en 2006, le Conseil d’Etat a reconnu de manière solennelle, par un arrêt KPMG l’existence d’un principe de sécurité juridique.

Dans le cas concerné par cet arrêt, le problème était similaire à celui auquel avait été confronté le tribunal administratif de Strasbourg. Les règles de déontologie relatives aux commissaires aux comptes ont été modifiées sans période transitoire : ces règles nouvelles interdisent à ces commissaires d’exercer à la fois pour la même entreprise les fonctions de contrôle et de conseil. La société KPMG qui avait de nombreux contrats en cours qui portaient ensemble sur ces deux catégories de service estimait que le changement brutal de réglementation était irrégulier. Le CE lui a donné raison : la réglementation nouvelle était irrégulière en tant qu’elle ne comportait pas de dispositions transitoires appropriées. Le raisonnement suivi était exactement le même que celui qui avait développé le tribunal administratif. Mais au lieu d’appeler ce raisonnement « confiance légitime », il l’a appelé « sécurité juridique ».

Un arrêt Lacroix du Conseil d’Etat du 16 décembre 2006 précise cette nouvelle jurisprudence : « l’exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu’il définit (…). Toutefois, il incombe à celui-ci d’édicter pour des motifs de sécurité juridique les mesures transitoires qu’impose cette réglementation nouvelle lorsque l’application immédiate de celle-ci porte une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause ».

Ce principe vaut pour l’autorité réglementaire mais non pour le législateur. Sauf en matière pénale, le Conseil constitutionnel considère qu’une loi peut être rétroactive pour un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de respecter les décisions de justice passées en force de chose jugée. Le juge constitutionnel considère, de plus, que la liberté contractuelle n’est protégée par aucune exigence constitutionnelle. Il sanctionne seulement des atteintes excessives à l’économie des conventions et contrats conclus. Le législateur doit faire la balance entre l’intérêt de l’application d’une mesure nouvelle à des contrats en cours d’exécution et les atteintes qui en résultent. Cette formulation n’est cependant pas très éloignée des principes qui sert à la base de l’arrêt KPMG.

Ce principe de sécurité juridique a servi au Conseil d’Etat de fondement pour adopter deux autres nouveaux principes jurisprudentiels :

– Premièrement, le principe selon lequel le juge peut reporter dans le temps la date d’effet d’une annulation contentieuse : pour des raisons d’intérêt général liées à la clarté des situations juridiques, la juridiction peut décider que l’annulation d’un acte qu’elle prononce ne prendra pas un effet rétroactif à la date à laquelle cet acte a été pris, mais à une date postérieure : dans un arrêt AC du 11 mai 2004, le Conseil d’Etat a annulé pour un vice de procédure des arrêtés de 2011 relatifs à des indemnités de chômage. Il a considéré que l’annulation en 2004 des arrêtés de l’année 2001 avec effet à la date d’entrée en vigueur de ces arrêtés allait créer un désordre juridique considérable, avec l’obligation de recalculer pour un nombre considérable de personnes sur plusieurs années leurs indemnités de chômage avec le cas échéant de nombreux reversements. Par ailleurs, il a estimé qu’il fallait laisser à l’administration un délai pour tirer des les conséquences de l’illégalité constatée. Il a donc fixé la date d’effet de sa décision d’annulation pour ces arrêtés à une date postérieure au jugement (le 1er juillet 2004).
Cette décision est en fait antérieure à la décision KPMG. Aussi, le terme « sécurité juridique » n’a pas encore été utilisé dans cet arrêt. Mais cette jurisprudence est dans la même ligne conceptuelle que l’arrêt KPMG. D’ailleurs dans des arrêts postérieurs, dans lesquels cette faculté de déplacer la date d’effet d’une annulation juridictionnelle a été mise en oeuvre, il est fait expressément référence aux nécessités de la sécurité. Tel est le cas d’un arrêt du 10 novembre 2010, Région du Nord Pas de Calais (concernant le report d’effet de l’annulation d’une décision de 2006 transférant des agents de l’Etat à la Région).

Par une décision du 6 octobre 2010 (QPC n° 2010-45), le Conseil constitutionnel a suivi le même raisonnement. Après avoir constaté, dans le cadre de la nouvelle procédure permettant de contester la constitutionnalité d’une loi déjà promulguée, que l’article L45 du code des postes et des télécommunications électriques était inconstitutionnel, il a estimé qu’une abrogation immédiate de cet article, qui datait de 2004, aurait pour la sécurité juridique des conséquences manifestement excessives et reporté la date d’effet de cette abrogation au 1er juillet 2011.

– Deuxièmement, dans un arrêté Tropic de 2007, le Conseil d’Etat a tiré une autre application du principe de sécurité juridique : il a décidé que dans certains cas, les décisions de revirement de jurisprudence ne prendraient effet que pour l’avenir. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a modifié sa jurisprudence sur les règles de procédure contentieuse applicables à la contestation par des tiers d’actes administratifs préalables à la conclusion de contrats. Selon l’ancienne jurisprudence, ces tiers pouvaient attaquer ces actes administratifs détachables par la voie du recours pou excès de pouvoir. Il a estimé qu’à l’avenir, ce genre de contestation devait être présenté comme un recours contractuel. Il a admis que cette modification de sa jurisprudence ne s’appliquait que pour l’avenir.

On peut ainsi relever trois jurisprudences nouvelles directement et expressément rattachées au principe de sécurité juridique :

– l’obligation dans certains cas d’aménager des dispositions transitoires ;

– la possibilité de ne pas donner un effet rétroactif à des revirements de jurisprudence ;

– la faculté de moduler dans le temps les effets d’une annulation contentieuse.

Il est un 4ème domaine qui devrait être mentionné ici : dans beaucoup de pays un important domaine d’application du principe de sécurité juridique concerne les conditions de retrait ou d’abrogation des actes administratifs individuels créateurs de droits pour les particuliers.

Dans la jurisprudence française, cette question est cependant traitée depuis longtemps sous le concept de « respect des droits acquis ». Après la reconnaissance en 2006 par le Conseil d’Etat d’un principe de sécurité juridique dans le droit français, cette terminologie n’a pas évolué et la méthode d’analyse non plus. Les arrêts continuent de faire référence au principe de droit acquis et non de respect de la sécurité juridique. Mais la préoccupation de la sécurité juridique a conduit le Conseil d’Etat à revoir sa jurisprudence sur plusieurs points depuis une dizaine d’années. On peut résumer les lignes essentielles de cette question de la manière suivante :

– un acte individuel créateur de droit ne peut être retiré ou abrogé qu’à la double condition qu’il est illégal et dans un délai de 4 mois (CE – 26 octobre 2001 Ternon) ; (autrefois ce délai était prolongé en cas d’absence de mesures de publicité) ;

Cette règle doit cependant être écartée si l’exécution d’une obligation communautaire l’impose (CE 29 mai 2006 – Centre d’exportation du livre français) ;

– la loi peut prévoir des règles particulières. C’est ce qu’elle a fait pour les décisions implicites d’acceptation pour lesquelles le retrait reste possible en cas de recours jusqu’à ce que celui-ci ait été jugé ; pour les décisions implicites de rejet, une solution analogue résulte de la jurisprudence (26 janvier 2007 SAS Kaefer Wanner) ;

– la notion d’actes créateurs de droit a été élargie. Une décision accordant un avantage financier crée des droits (CE Section
6 novembre 2002 Soulier). De même, une décision d’inscription d’un dentiste au tableau de l’ordre (CE 6 mars 2009 Abou Coulibaly) ou une décision d’attribution de fréquence radiophonique (10 octobre 1997 Strasbourg FM).

Cette matière n’a cependant pas été revue en profondeur à l’occasion de l’admission de la notion de sécurité juridique dans la jurisprudence. On peut dire que la conciliation du principe de légalité (disparition des actes illégaux) et du principe de sécurité juridique (maintien des actes créateurs de droits) est restée malaisée dans la jurisprudence française.

Pour être complet, il faut aussi signaler que le Conseil d’Etat a consacré un rapport d’étude en 2006 à la sécurité juridique. Dans ce rapport, il a abordé un autre aspect de cette notion. Il a souligné le caractère de plus en plus foisonnant de la production de normes communautaires législatives et réglementaires. Il a aussi constaté la baisse dans la qualité de rédaction et de formulation des normes juridiques. Mais ces considérations de sécurité juridique dans la production des normes doivent être distinguées du principe de sécurité juridique.

Pour finir, il convient d’indiquer les domaines dans lesquels le Conseil d’Etat na pas encore donné une application concrète à la notion de sécurité juridique bien que celle-ci soit directement en cause.

Il faut à cet égard surtout mentionner d’abord la question de l’invocabilité des circulaires, instructions et directives n’ayant pas le caractère d’actes réglementaires.

Le respect du principe de sécurité devrait logiquement conduire à ce que des prises de position de l’administration sur l’interprétation du droit ou sur l’application qu’elle prévoit d’en faire lui soit opposables.

Cette opposabilité est organisée par des textes de lois spéciaux en matière de droit fiscal et de droit de la sécurité sociale. Mais elle ne vaut pas de manière générale et la jurisprudence ne l’a jamais consacrée.

Un décret du 23 novembre 1983 avait posé ce principe. Il n’a jamais été appliqué et a été abrogé par un décret du 18 juin 2006.

Pour le Conseil d’Etat, une circulaire directive, ou autre prise de position de l’administration ne lui est pas opposable si l’autorité en cause n’a pas eu la matière du pouvoir réglementaire. (Si l’administration a un pouvoir réglementaire, on applique à la mesure les règles de contrôle des actes réglementaires).

On connaît les raisons de la réticence de l’administration : reconnaître l’opposabilité des prises de position formelles de l’administration conduit indirectement à permettre à l’administration à créer de nouvelles règles, à lier à l’avance son pouvoir d’appréciation, voire développer des règles contra legem.

Mais ces inconvénients, s’ils sont admis en droit fiscal et social, pourquoi ne pourraient-ils pas aussi être acceptés, sous réserve de certains corrections, concernant principalement les droits des tiers, dans d’autres domaines. Dans la pratique, les circulaires et directives sont déjà considérées par l’administration, dans la plupart des cas, comme un engagement à respecter. Le refus de l’administration d’appliquer ses propres circulaires n’intervient donc qu’assez rarement. L’Etat actuel de la jurisprudence paraît d’autant plus insatisfaisant qu’elle n’est pas en cohérence avec les progrès du contrôle juridictionnel exercé sur le pouvoir d’appréciation de l’administration.

En vertu du principe de sécurité juridique et de confiance légitime, lorsque l’administration annonce un comportement déterminé, elle devrait en principe s’y tenir sauf si elle peut justifier de raisons valables de s’en écarter, telles que l’intérêt général, les droits des tiers ou la connaissance par le bénéficiaire du caractère erroné ou illégal de cette mesure.

Un autre domaine d’application de la sécurité juridique concerne la question de la régularisation des actes entachés d’irrégularités et néanmoins justifiés, notamment au regard de la confiance légitime.

Il y a bien quelques progrès qui ont été faits en la matière en ce qui concerne la substitution de motifs (jurisprudence Hallal CE 6 février 2004) ou les vices de procédures non substantiels (CE 23 décembre 2011 D/anthony). Mais il reste au juge administratif français à aller plus loin dans l’effort consistant à faire prévaloir le bien-fondé substantiel d’une mesure sur ses irrégularités qui n’entache pas la légitimité de la mesure. En effet, la sécurité juridique serait renforcée par la sauvegarde des actes justifiés quant au fond mais que l’administration a entaché d’un vice.

En conclusion, le principe de sécurité juridique a fait une entrée remarquable dans la jurisprudence française, mais ce principe reste pour le moment cantonné à des domaines d’application circonscrits. Il reste de larges perspectives d’évolution.

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