Agatif | Relazione francese – Milano – 7/10/2011
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Relazione francese – Milano – 7/10/2011

Relazione francese – Milano – 7/10/2011

L’ACTION EN JUSTICE VISANT A OBTENIR UN ACTE OU LE POUVOIR D’INJONCTION

En Europe continentale, deux conceptions de la justice administrative se sont

longtemps distinguées, de la fin de la dernière guerre mondiale à nos jours :

L’une, longtemps hégémonique et traditionnelle, à savoir le système français qui

a longtemps influencé les pays qui ont adopté la formule d’un Conseil d’Etat.

L’autre, le système allemand, construit en rupture absolue avec la période

précédant 1945, fait figure d’avant – garde dans beaucoup de domaines.

D’ailleurs, traduire sans hésitation le terme allemand de « Verpflichtungsklage »

n’est pas évident. Pour contourner la difficulté, je me mets à la place du juge

ainsi saisi et il m’apparaît qu’il se voit sollicité d’adresser une injonction à

l’administration.

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La justice administrative française a été fondée, il y a plus d’un siècle, sur l’idée

qu’elle devait vérifier le bon fonctionnement juridique de l’administration : on

parlait de la fonction pédagogique du juge qui regardait seulement si

l’administration s’est comportée régulièrement ou non.

On ne s’intéressait pas vraiment au requérant : le Conseil d’Etat n’a jamais

hésité à examiner le recours d’une personne décédée.

Le recours essentiel, dit en excès de pouvoir, était un procès fait à un acte. Le

requérant, dans cette optique, n’est qu’une pièce secondaire : on est loin de la

protection du droit subjectif, pierre angulaire du système allemand.

Si cette présentation est aujourd’hui largement excessive, elle imprègne encore

la justice administrative française, même si son déclin est amorcé.

Une double influence a joué pour modifier cet état de fait.

D’abord, l’immédiat après-guerre a mis en évidence le droit des personnes à la

protection juridictionnelle contre l’administration. Cette exigence, si elle n’est pas

directement contenue dans les deux constitutions que la France s’est donnée en

1946 d’abord, puis en 1958 ensuite, a été rappelée par le Conseil Constitutionnel

qui, en 1996, s’est fondé, pour consacrer ce droit, sur l’article 16 de la

Déclaration des droits de l’homme de 1789. (9 avril 1996).

Vous savez que mon pays aime rappeler au monde la valeur universelle de cette

Déclaration….

Cet article dispose : « toute société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas

assurée… n’a point de Constitution ».

Et, en 1998 (C.E. 29 juillet 1998, Syndicat des avocats de France), le Conseil

d’Etat a contrôlé la légalité d’un règlement relatif à la procédure devant les

juridictions administratives au regard d’une part du principe à valeur

constitutionnelle du droit d’exercer un recours juridictionnel et d’autre part du

droit d’accès à un juge consacré par la Convention européenne des droits de

l’homme.

Deux remarques sur cette décision : il s’agit d’un acte réglementaire en

l’occurrence et non d’une décision individuelle. Dans cette circonstance,

l’approche traditionnelle à la française de procès fait à un acte, se justifie

pleinement. Comment pourrait-on avancer la notion de droit subjectif ?

Est-ce que la conception « objective » de procès fait à un acte ne doit-elle pas

perdurer dans ces cas ?

L’autre remarque concerne la deuxième influence qui a incontestablement fait

évoluer la position française classique : c’est bien sûr l’apport de la jurisprudence

de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.

(Je rappelle aussi que la France n’a autorisé le recours individuel à la Cour européenne qu’au début des années 1980).

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On peut donc dire, qu’en l’espace d’un demi – siècle, le système français, comme

ceux des autres pays naguère fortement influencés par notre approche, a évolué

vers une conception plus subjectiviste à l’instar de celle en vigueur en

Allemagne.

Outre l’état d’esprit général que j’ai essayé de décrire, quelques innovations

procédurales ont également contribué à renverser la tendance.

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Je citerai en exergue le pouvoir d’injonction (loi du 8 février 1995) et le pouvoir

d’astreinte (loi du 16 juillet 1980) certes antérieur mais peu utilisé avant 1995.

La loi de 1995 est la plus importante :

Il se trouve – et les plus anciens dans cette salle s’en souviendront – que j’avais

déjà présenté une intervention sur ce thème il y a plus d’une décennie.

C’était, sauf erreur de ma part, à Trieste… Et j’avais parlé à l’époque de véritable

Révolution pour le système français.

En effet, il faut se rappeler que le pouvoir d’injonction était jusqu’en 1995

interdit au juge administratif français.

La conception française de la séparation des pouvoirs interdisait au juge

d’intervenir dans les attributions de l’Administration.
Ce principe d’interdiction remonte à la Révolution française et j’ai longtemps

rédigé des jugements qui expliquaient : « considérant qu’il n’entre pas dans les

pouvoirs du juge administratif d’adresser des injonctions à une autorité

administrative… » ce qui sous-entendait que c’était possible vis-à-vis d’un

particulier.

Puis vint la loi de 1995. Elle est importante mais reste restrictive. Ce n’est que

pour faire exécuter un jugement que le juge dispose dorénavant de ce pouvoir.

Il faut cependant distinguer selon que la compétence est liée ou non.

Dans le premier cas, le jugement implique nécessairement que soit prise pour

l’administration une mesure d’exécution dans un sens déterminé. C’est le cas le

plus voisin du pouvoir du juge allemand. Si la compétence est discrétionnaire,

l’administration doit prendre une nouvelle décision dans un délai déterminé.

Une astreinte, c’est-à-dire le paiement d’une somme d’argent fixée par jour de

retard, peut accompagner l’injonction.

Le rôle du juge est ainsi profondément modifié : il doit apprécier la situation

juridique du requérant au jour où il statue pour ce qui concerne l’injonction.

(Il faut rappeler que le juge de l’excès de pouvoir se situe fictivement au jour de

l’édiction de l’acte contesté qui peut être antérieur de plusieurs années. Quand le

juge enjoint, il se place par contre au jour du jugement ; cette loi de 1995

trouble par ricochet un autre grand principe du contentieux administratif :

l’opposition classique entre l’excès de pouvoir – qui peut aboutir à l’annulation de

l’acte et le plein contentieux- (dans le cadre duquel le juge peut modifier,

remplacer la décision attaquée en examinant les circonstances au moment où il

décide et non pas à la date d’édiction ce l’acte. Mais nous laisserons ce débat de

côté.)

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Il me paraît également nécessaire de citer une autre loi très importante du 30

juin 2000, relative au référé devant les juridictions administratives.

Cette loi – que nous avons également déjà examinée sous l’angle des procédures

d’urgence – modifie en profondeur les rapports entre l’administration et le

requérant.

Il faut là – aussi rappeler qu’en France la simple saisine du juge ne suffit pas

comme en Allemagne à suspendre l’exécution d’une décision administrative.

L’administration dispose de ce que l’on appelle le « privilège du préalable », c’est

– à – dire que sa décision peut être appliquée immédiatement même en cas de

recours contentieux sauf si, par exception, le requérant demande et obtient du

juge la suspension de ladite décision, ce qui n’est pas automatique.

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Cette loi a été rendue nécessaire pour une autre raison : comme les anciens

pouvoirs du juge administratif français pour prononcer du sursis à exécution

étaient restreints, beaucoup de justiciables s’adressaient au juge civil qui pouvait

enjoindre en cas d’urgence.

La saisine du juge civil est possible en cas de « voie de fait », c’est-à-dire quand

l’administration prend une décision manifestement hors de sa compétence.

Cette circonstance n’était pas très claire et ouvrait la porte à beaucoup

d’interprétation : la nouvelle loi donne enfin au juge administratif des pouvoirs

analogues à ceux du juge civil.

Deux précisions s’imposent :

– dans le cas du référé-suspension, le juge peut enjoindre à l’administration

de ne pas exécuter sa décision s’il y a urgence et qu’il existe un doute

sérieux quant à la légalité de la décision.
– Dans le cas du référé-liberté, le juge peut « ordonner toute mesure

nécessaire » si une atteinte grave et manifestement illégale est portée à

une liberté fondamentale. Il appartient au juge de déterminer ce qu’est

une liberté fondamentale.

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Enfin, je ne citerai que pour mémoire les référés relatifs aux contrats de

fournitures, de travaux ou de prestations de services conclus par

l’administration. Ces contrats, lorsqu’ils sont régis par le droit public, ce qui est

traditionnellement très fréquent en France, peuvent faire l’objet, en application

du droit communautaire, d’injonctions adressées par le juge à l’administration en

cas de méconnaissance de ses obligations de publicité ou de mise en

concurrence.

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Tous ces changements se font avec le plein accord du juge qui lui-même, dans

ses décisions, a pris bonne note de l’aspiration nouvelle des justiciables à plus

d’effectivité.

Par exemple, il introduit plus souvent dans les motifs de sa décision des

directives d’exécution les plus propres à éclairer les conséquences que

l’administration devra tirer d’une annulation.

Il arrive aussi qu’en dehors de toute demande d’injonction, le juge insère dans

son jugement des motifs ainsi revêtus de l’autorité de la chose jugée.
(C.E. 29/06/2001 Vassilikiotis).

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Ainsi donc, par toute une série de procédés (lois, jurisprudence adaptée), le juge

administratif français, le plus réticent à l’origine pour adresser une injonction à

l’administration, a, partiellement, comblé son retard sur le juge allemand,

précurseur en la matière.

Ceci montre qu’aucun pays ne saurait rester à l’écart de la demande croissante

d’une justice efficiente au sens que les juges de Strasbourg donnent à ce

concept.

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