Relazione francese – Tolone – 4/10/2013
« Le juge administratif français et la complexité des PLU»
par JMDV et AG
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La complexité des documents d’urbanisme et, parmi eux, des plans locaux d’urbanisme, est unanimement reconnue et dénoncée. Elle se manifeste principalement par un foisonnement normatif parfois qualifié de « maelström » (JEGOUZO) « qui confine parfois à la frénésie » (NOGUELLOU), tout-à-fait propre à la matière de l’urbanisme – sous réserve, peut-être de la matière fiscale. Une véritable « maladie chronique » pour certains auteurs (JEGOUZO), sans perspective de traitement, au moins à court terme, selon d’autres et non des moindres (LABETOULLE).
Concrètement, cette complexité se manifeste sous 3 aspects majeurs à l’heure actuelle :
– « inflation des objectifs » et « conception maximaliste » (MARIE), résultant de l’évolution, au cours de la dernière décennie (et surtout avec les Lois « Solidarité et renouvellement urbain – SRU » et « Grenelle). Le plan d’urbanisme, à l’origine simple document de planification urbaine, est devenu le « lieu de l’ensemble des politiques publiques ayant une traduction spatiale », notamment en ce qui concerne l’environnement (cf. L « Montage » et « Littoral », le développement durable, la gestion des transports, du logement, la répartition des activités économiques, etc.. Les auteurs des documents d’urbanisme doivent assurer « l’équilibre » de ces préoccupations (cf. art L 121-1 du code de l’urbanisme) ;
– densification des procédures, en dépit de tentatives accrues de simplification dans la période la plus récente (cf. notamment ordonnance du 5 janvier 2012 de clarification et simplification des procédures d’élaboration et évolution : suppression de la révision simplifiée, unification du régime des SCoT et des PLU, définition précise des modifications susceptibles d’être apportées au projet arrêté à l’issue de l’enquête publique et décret d’application du 14-2-13), sous l’influence essentiellement des grands principes constitutionnels et surtout, européens (cf. information et participation du public comme principes transversaux irriguant toute la matière : « porter à connaissance » ; concertation ; consultation et participation des personnes publiques associées ; enquête publique ; multiples interventions des assemblées délibérantes ; domaine très étendu de l’évaluation environnementale (cf. art L121-10 du code de l’urbanisme) ;
– autre aspect de la complexité : le renouvellement de la typologie des documents d’urbanisme, avec affirmation du SCHEMA DE COHERENCE TERRITORIALE (SCoT) comme « document pivot » (MARIE) entre les documents d’urbanisme destinés à une planification à une plus grande échelle (cf. les directives territoriales d’aménagement, les schémas directeurs territoriaux ou sectoriels : eau, écologie, mise en valeur de la mer, chartes des parcs nationaux et régionaux, plans climat-énergie) et ceux applicables au niveau local (PLU, plans de déplacements urbains, programmes locaux de l’habitat PLH, mais aussi plans de prévention des risques naturels PPRN et plans de prévention des risques technologiques PPRT…) et son « renforcement prescriptif » (NOGUELLOU), avec notamment une application automatique de certaines de ses dispositions et la mise à l’écart des éléments incompatibles des PLU au bout d’un certain temps (cf. art L122-1-5 du code de l’urbanisme).
A présent, cette complexité traduit une tension entre la volonté d’assurer une autonomie locale ancienne (cf. loi de décentralisation de 1983) ainsi que l’acceptation de la norme par les habitants (MARIE), d’une part et, d’autre part, la volonté d’efficacité des politiques nationales, d’ailleurs parfois délicates à concilier entre elles (cf. préoccupations de développement durable et recherche d’une réponse rapide à la crise du logement, avec une solution trouvée dans la période récente dans la densification de l’urbanisation existante alors qu’il y a 20 ans, celle-ci était proscrite au profit de l’étalement urbain : o tempora, o mores !).
En fait, on assiste à un interventionnisme renouvelé de l’Etat – il est vrai chargé d’arbitrer des conflits de plus en plus fréquents entre les différentes collectivités (MARIE) – et le retour (cf. loi « Grenelle II ») de ce qui est très souvent perçu comme une tutelle des communes (cf. élaboration des documents environnementaux ; mise en compatibilité des documents d’urbanisme avec les grandes orientations nationales ou les projets considérées par l’Etat comme d’intérêt général ; annexion forcée des servitudes d’utilité publique SUP ; intercommunalité imposée ; droit de veto sur les SCoT et PLU non couverts par un SCoT).
Dans un tel contexte, la difficulté d’élaboration et de gestion d’un plan local d’urbanisme est croissante pour les communes en raison principalement de leur incroyable quantité en France (plus de 36 000 communes existantes !) Ce trop grand nombre des communes impose une rationalisation sous la forme du développement de l’intercommunalité (qui devient l’échelon territorial de principe depuis la loi « Grenelle II » et caractère obligatoire à brève échéance dans le projet de Loi « ALUR » – pour « accès au logement et urbanisme rénové », actuellement en discussion devant le Parlement), non sans risque de déficit démocratique (cf. promotion du rôle décisionnel des établissements publics de coopération intercommunale EPCI, disposant certes d’une compétence technique certainement bien plus importante, mais dont les organes sont désignés dans des conditions faisant peu appel, globalement, au suffrage universel, encore que la loi de réforme des collectivités locales du 16-12-2010 ait prévu l’élection au suffrage direct des conseillers communautaires et métropolitains). Il y a aussi des risques de « double emploi » du plan local d’urbanisme (BOUYSSOU) avec le schéma de cohérence territoriale (SCoT) : les SCoT ont tendance à devenir des « super-PLU » alors que leurs fonctions sont en principe distinctes.
Les critiques anciennes de cet étouffement normatif sont plus que jamais compréhensibles : elles émanent en particulier des nombreux acteurs qui participent à l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, avec des interrogations sur le sens même de ces documents. L’idée générale qui émerge de ces critiques est celle d’inventer un « urbanisme de projet », qui s’est déjà traduit par des réformes récentes mais qui ont paradoxalement accru la complexité (cf. création de la « surface de plancher » en lieu et place des anciennes SHOB et SHON et majoration des droits à construire, abandonnée sitôt née).
Or, c’est au juge administratif, gardien de la légalité administrative comme de l’intérêt général, qu’il appartient, in fine, de résoudre la complexité, sans qu’il puisse se retrancher derrière l’ampleur et la difficulté de la tâche. Dans son travail et jusqu’à présent, le juge n’a pas beaucoup bénéficié de l’aide du législateur pour juguler le contentieux de l’urbanisme, comme cela s’est fait dans d’autres pays. Mais tout récemment, des mesures sont intervenues, sous la forme d’ordonnances, sortes de décrets législatifs (cf. rapport « Labetoulle » et ordonnance « Duflot » du 18-7-13), le contentieux des plans d’urbanisme apparaissant, toutefois, comme le grand perdant de ces réformes récentes dont il ne bénéficie pas directement – mais dont il s’inspire ou qu’il anticipe parfois.
Pourtant, le contentieux des documents d’urbanisme se caractérise à l’heure actuelle par un nombre croissant de requêtes, que les nombreuses annulations prononcées ne sont certainement pas de nature à réduire, puisqu’elles entrainent nécessairement la réadoption, souvent précipitée, des PLU annulés, amendés pour tenir compte des critiques retenues. De plus, dans ce contexte, il faut noter l’ouverture en France très large du prétoire aux recours dirigés contre ces actes (cf. absence de représentation obligatoire ; intérêt à agir largement reconnu, notamment pour les associations ; contrôle par voies d’action et d’exception ; intervention en fin de procédure et effet « boule de neige » des irrégularités qui pourrait être empêché par une intervention plus précoce, au fur et à mesure de l’avancée de la procédure…)
Pour comprendre comment le juge fait face à cette complexité, nous verrons, en première partie, quelles sont les grandes tendances de la jurisprudence s’agissant de l’étendue du contrôle de la légalité des plans locaux d’urbanisme et nous nous poserons la question de l’efficacité de ce contrôle, dans une seconde partie
– I –
L’étendue du contrôle de légalité des documents d’urbanisme
La préoccupation du Conseil d’Etat français est d’assurer le contrôle de légalité des documents d’urbanisme, alors même qu’il s’agit d’actes très complexes, qui nécessitent des procédures qui peuvent se poursuivre pendant plusieurs années. Ce contrôle du juge constitue le relais du contrôle de légalité exercé par le préfet dans le département sur les acte des autorités déconcentrées, lequel est nécessairement fragmentaire et ciblé, compte tenu de moyens insuffisants face à l’ampleur de la tache (cf. politique dite de « révision générale des politiques publiques », menée depuis plusieurs années afin de réduire les déficits publics par une rationalisation des dépenses).
De grandes tendances peuvent s’observer au niveau du contrôle contentieux, tant au niveau de la légalité formelle (contrôle des procédures) que de la légalité matérielle (contrôle du contenu).
– A –
Le contrôle de la forme
- Le juge administratif exerce un contrôle strict du choix de la procédure mise en oeuvre pour l’élaboration du plan local d’urbanisme (ce peut être une procédure de révision, modification, modification simplifiée ou allégée, sans enquête publique). Lorsqu’une seule procédure peut être appliquée compte tenu de l’objectif poursuivi, il estime que l’administration ne saurait s’en affranchir, au motif qu’elle présente des garanties supérieures pour le public et au-delà, pour les différentes parties prenantes (notamment les services et autorités étatiques). Inversement, si plusieurs procédures peuvent être applicables, l’administration est libre de choisir celle qu’elle préfère, à supposer qu’elle puisse s’y retrouve, toutefois (LEBRETON).
Une telle approche devrait sans doute se renouveler avec l’essor des schémas de cohérence territoriale et PLU intercommunaux : il pourrait y avoir un contentieux croissant à l’initiative des communes elles-mêmes, mécontentes des PLU adoptés par les établissements publics intercommunaux.
- Le souci du juge est essentiellement la préservation des garanties essentielles – sous la forme d’une information et d’une participation suffisantes du public – par un contrôle très poussé du déroulement de la procédure sur ce point (cf. consultation des personnes publiques associées, concertation avec le public et surtout enquête publique) : rien d’étonnant à ce que les principaux motifs d’annulation totale de plans locaux d’urbanisme dans la jurisprudence concernent la méconnaissance des règles applicables sur ce terrain.
De plus, le juge contrôle l’adéquation des règles de procédure aux objectifs que leur assignent les normes constitutionnelles – telles que, par exemple, la charte de l’environnement ou européennes et internationales – telles les nombreuses directives de l’Union européenne et la convention d’Aarhus. Il assure ainsi l’application de ces normes, alors même que les lois ou règlements applicables en auraient limité l’effet (par exemple, le juge contrôle si la transposition des directives dans le droit national est suffisante et adéquate. Peu de requérants soulèvent le point de savoir s’il y a interprétation conforme des actes de transposition alors qu’un tel moyen peut être d’une efficacité redoutable.
- Lorsque le respect des règles de procédure est considéré, en dehors de ce domaine, comme une exigence relative, le juge fait preuve de souplesse : on peut parler de sanction « compréhensive » des règles de procédure. En effet, les règles de procédure se multiplient en raison de l’instabilité et de l’évolution constante des textes (alors que souvent et paradoxalement le souci du législateur est de les simplifier, mais sans que les mesures transitoires indispensables ne soit forcément prises ou alors de façon insuffisante). Ainsi la loi dite SRU, a été votée en 2000, puis modifiée en 2003, 2006, 2009, 2010 et 2012 pour ne citer que les principales modifications et pour les décrets d’application, on n’a pas fait mieux, (pour ne rien dire de la question de savoir s’ils ont été pris en temps utile…).
Depuis quelques années, le Conseil d’Etat a alors généralisé l’application de la théorie dite des « formalités substantielles » (cf. jurisprudence Danthony du 23 décembre 2011 et décisions récentes du CE) qui ne sanctionne la méconnaissance des règles de procédure que pour autant que les requérants établissent que celle-ci les a privés d’une garantie essentielle et / ou qu’elle a eu des conséquences déterminantes sur les décisions prises.
– B –
Le contrôle du fond
- Le juge administratif est vigilant à l’égard des objectifs poursuivis par les communes dans l’élaboration de leur plan local d’urbanisme : contrairement à d’autres domaines du contentieux, il sanctionne fréquemment, en cette matière, le détournement de pouvoir. Ainsi, la loi a prévu une procédure spéciale dite de « mise en compatibilité » des plans locaux d’urbanisme (cf. article L123-14 du code de l’urbanisme), utilisable lorsque des projets importants, publics ou privés sont d’intérêt général et si l’intérêt général du projet est douteux, le juge peut estimer qu’il y a détournement de pouvoir, ce qui entraîne l’annulation totale du plan local d’urbanisme.
Cette problématique sera sans doute amenée, en outre, à se renouveler en considération de l’utilisation facilitée de cette procédure à l’encontre des communes regardées comme rechignant à transcrire dans leurs documents d’urbanisme les grands objectifs sectoriels ou territoriaux fixés par l’Etat (cf. loi « Grenelle II » et ordonnance « simplification » du 5-1-12 + décret d’application du 14-2-13). En réaction à ce retour d’une forme à peine voilée de tutelle, nul doute que les collectivités locales chercheront à préserver leur liberté par des contestations du recours même à cette procédure…
- Une des garanties essentielles pour les citoyens est représentée par le contenu minimal précisément défini pour le plan local d’urbanisme (PLU) (cf. articles L123-1 et L123-1-2 et suivants du code de l’urbanisme) : le PLU doit comprendre un rapport de présentation, un plan d’aménagement et de développement durable (PADD), des orientations d’aménagement et de programmation (OAP), un règlement sous forme d’articles avec des dispositions obligatoires et d’autres facultatives et des annexes. Et le juge administratif sanctionne l’incohérence de ces éléments entre eux, afin de garantir leur compréhension par les destinataires du document d’urbanisme.
Le juge administratif est également amené à délimiter un contenu maximal des plans locaux d’urbanisme, défini en quelque sorte « en creux. » Ainsi, consacre-t-il, en particulier, l’interdiction, pour un plan local d’urbanisme, de contenir des règles de forme et de procédure, qui relèvent de la seule compétence du pouvoir législatif ou réglementaire (cf. jurisprudence Hoffmann : 342908, A).
- Le juge administratif s’efforce, enfin, de respecter les choix effectués par les communes dans l’élaboration de leur plan local d’urbanisme en exerçant un contrôle de légalité minimum. Il se limite alors à un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation et ne contrôle pas l’opportunité des choix des auteurs des plans locaux d’urbanisme.
La tendance de la jurisprudence est, en outre, à la simplification dans l’application des normes supérieures au plan local d’urbanisme, telles le schéma de cohérence territoriale : il exerce dans ce cas un contrôle de compatibilité et non de légalité (à vrai dire, le contrôle de compatibilité est défini par le législateur lui-même avec l’article L111-1-1 du code de l’urbanisme) : s’il existe un schéma de cohérence territoriale, dont la fonction est – rappelons-le – d’assurer à un large échelon territorial, bien au-delà d’une seule commune, les grandes politiques nationales ou régionales et sous réserve que celui-ci assure lui-même correctement cette transcription (cf. exception d’illégalité du schéma de cohérence territorial (SCoT) invocable dans le cadre du contentieux du PLU), le plan local d’urbanisme (PLU) ne doit être compatible qu’avec lui et les moyens tirés de la méconnaissances règles « supérieures » sont inopérants (cf. jurisprudences du Conseil d’Etat société « Les Casuccie » : Sect, 313768, A et Mme Laporte et a : 278168, A et du Conseil constitutionnel Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire : 94-358DC).
– II –
L’efficacité du contrôle de légalité des documents d’urbanisme
La problématique du contrôle contentieux peut survenir à la fois dans le cadre d’un contrôle par voie d’action des plans locaux d’urbanisme auquel on pense bien entendu en premier, mais aussi dans le contrôle de ces documents par la voie de l’exception d’illégalité, lorsque le juge contrôle les actes individuels, tels le permis de construire. A l’occasion de ce contrôle des actes individuels, le contrôle par la voie de l’exception d’illégalité est, en effet, ouvert à l’encontre des plans locaux d’urbanisme, comme pour tous les actes réglementaires.
L’efficacité de ce contrôle dépend alors des contraintes imposées par le législateur et de leur prise en compte par le juge administratif. Dans ce cadre, le juge s’efforce d’assouplir les contraintes, dans un but d’efficacité. Et le législateur peut intervenir lui-même pour assurer l’efficacité
– A –
Des contraintes lourdes imposées par le législateur.
- En vertu de la loi, le juge administratif français, lorsqu’il annule un acte d’urbanisme tel un plan local d’urbanisme, est tenu de se prononcer sur tous les moyens d’annulation (cf. article L600-4-1 du code de l’urbanisme). Cette obligation pour le juge repose sur l’idée qu’en matière d’urbanisme, il importe de préciser l’ensemble des vices affectant l’acte attaqué afin à la fois de prévenir de nouveaux contentieux fondés sur des motifs auxquels il n’aurait pas été répondu et de rendre la correction de ces vices par l’autorité administrative plus aisée.
Cette logique est aujourd’hui poussée à son maximum dans le contentieux des permis de construire avec les nouveaux articles L600-5 et L600-5-1 du code de l’urbanisme – issus de l’ordonnance du 18 juillet 2013 – qui permettent la régularisation en cours d’instance des autorisations entachées de vices non rédhibitoires – et devrait l’être également, dans le contentieux des PLU, avec le nouvel art L600-7 du même code issu du projet de loi « ALUR » actuellement en discussion au Parlement, lequel entend y transposer la même solution, que soient, d’ailleurs, en cause des vices de forme ou de fond, le PLU demeurant, qui plus est, applicable dans l’intervalle.
- Les difficultés pratiques de cette règle sont toutefois importantes, car en dépit d’un volontarisme certain et de conditions de travail favorables, un rapporteur dans un tribunal administratif ne peut, durant les quelques jours qui lui sont assignés pour la préparation d’une audience, traiter qu’un nombre limité de requêtes : or il est arrivé que le nombre de recours dirigé contre le plan local d’urbanisme d’une même commune, au tribunal administratif de Toulon, s’élève à plus d’une trentaine. Un recours contre le PLU d’une commune contenait plus de 100 moyens à analyser ! (sans parler de la difficulté accrue se présentant au rapporteur public – ex commissaire du gouvernement, compte tenu de ce qu’il doit conclure également sur les autres dossiers appelés) : le risque est grand de voir cette problématique devenir de plus en plus prégnante avec le développement souhaité et peut-être, imposé (cf. projet de loi « ALUR ») de l’intercommunalité dans l’élaboration des plans locaux d’urbanisme.
– B –
Des tentatives d’assouplissements à l’initiative du juge
- Le juge administratif en compte le stade de la procédure d’élaboration du plan local d’urbanisme auquel survient l’illégalité, dans le but de permettre une reprise rapide de la procédure et l’entrée en vigueur du plan : dans le cas où il annule un plan à un stade de la procédure, par exemple, lorsqu’il sanctionne une irrégularité de l’enquête publique ou une évaluation environnementale insuffisante, il valide en contrepartie les étapes antérieures et il en résulte une absence d’obligation de l’auteur du plan de reprendre la procédure d’élaboration du plan ab initio. La commune devra simplement soumettre le projet approuvé à une nouvelle enquête publique ou une évaluation environnementale suffisante puis l’approuver de nouveau. L’annulation peut aussi se limiter à la délibération finale.
- Au fond, le juge administratif a la possibilité de prononcer des annulations partielles, beaucoup moins contraignantes pour la commune concernée : par exemple, il peut déclarer l’illégalité de certaines dispositions du règlement du plan, ou l’illégalité d’un zonage, en disant par exemple que la commune ne pouvait transformer une zone naturelle en zone à urbaniser. Le document d’urbanisme devra alors être seulement amendé en fonction des critiques formulées et demeurera applicable, pour le reste.
- D’une façon plus générale, face à ces difficultés contentieuses, le juge administratif français recourt de façon croissante aux annulations différées dans le temps (en application d’une jurisprudence association AC !: 255886, A). Cette technique permet de concilier légalité, sécurité et efficacité, en évitant un retour momentané à des dispositions souvent obsolètes : en effet, le législateur français a prévu qu’en cas d’annulation par un tribunal d’un plan local d’urbanisme, c’est le document immédiatement antérieur qui est applicable (souvent, en pratique, le plan d’occupation des sols, c’est-à-dire le plan local d’urbanisme dans son ancienne appellation) ; ce peut être aussi, en son absence, ce que l’on appelle le règlement national d’urbanisme, dit RNU, (cf. article L121-8 du code de l’urbanisme).
– C –
Vers une attention renouvelée du législateur ?
Face à ces subtilités de la jurisprudence, c’est le législateur lui-même qui peut et doit intervenir pour assouplir les contraintes qui pèsent sur le juge dans le contrôle de légalité des plans locaux d’urbanisme. Il l’a déjà fait de façon limitée et on ne peut qu’espérer que les réformes en cours se traduisent par une prise en compte renouvelée des contraintes pesant sur le juge.
Ainsi, depuis l’intervention de la loi « solidarité et renouvellement urbain » en 2000, et en vertu de l’article L600-1 du code de l’urbanisme, un vice de forme ou de procédure d’un plan d’occupation des sols ou d’un plan local d’urbanisme ne peut être invoqué par la voie de l’exception d’illégalité, après l’expiration d’un délai de six mois à compter de sa prise d’effet. On a là un exemple d’intervention du législateur qui vient contrer un principe jurisprudentiel bien enraciné selon lequel l’exception d’illégalité est perpétuelle à l’encontre des règlements.
Mais, comme effrayé de son audace, le législateur a aussitôt introduit des exceptions à ce principe : par exemple, en cas de méconnaissance substantielle ou de violation des règles de l’enquête publique sur les plans locaux d’urbanisme, l’exception d’illégalité demeure invocable à tout moment.
On a donc un principe jurisprudentiel : l’exception d’illégalité est invocable à tout moment contre un acte réglementaire, mais en ce qui concerne les plans locaux d’urbanisme, l’exception d’illégalité pour vice de forme est enfermée dans un délai de six mois, cet aménagement étant lui-même soumis à des exceptions. Voilà une situation typique du droit de l’urbanisme et de sa complexité !
D’autres réformes plus radicales sont, toutefois, envisagées : ainsi qu’il a déjà été dit, le projet de loi « ALUR » (accès au logement pour un urbanisme rénové) souhaite étendre au contentieux des documents d’urbanisme le mécanisme contentieux de la régularisation en cours d’instance afin de prévenir des annulations jugées inadéquates au regard des illégalités concernées. Au-delà, il serait souhaitable, du point de vue du juge, que les réflexions menées, par ailleurs, sur la question de la cristallisation des moyens ou l’intérêt à agir le soient également sur le terrain du contentieux des PLU, ce qui n’est, hélas, pas le cas pour le moment.